Fermeture annoncée du quotidien « Liberté » : Issad Rebrab cède à la pression du régime algérien

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Dilem
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ALGERIE (TAMURT) – Le dernier numéro du journal francophone « Liberté », propriété de l’homme d’affaires kabyle Issad Rebrab (actionnaire majoritaire), paraîtra le 14 avril prochain. La disparition annoncée et imminente de ce quotidien, fondé en 1992, a provoqué un choc en Algérie, mais surtout en Kabylie, où ce journal compte un grand lectorat. Septième fortune africaine (selon Forbes), le propriétaire du groupe industriel Cévital a officiellement motivé sa décision de fermer « Liberté »  par des considérations économiques. Toutefois, les journalistes de ce quotidien soutiennent que l’homme d’affaires a cédé à la pression des autorités algériennes. Ouvert au débat contradictoire, « Liberté » avait publié en décembre 2016 un entretien avec Ferhat Mehenni, récemment avec Boualem Sansal et avait informé sur la victoire, devant la justice francaise, de Lyazid Abid face à Madame Boumedienne. 

Depuis l’annonce de la disparition du journal « Liberté », des messages de soutien et des appels à préserver le titre fusent de partout. Même l’Union Européenne (UE) s’est exprimée sur la fermeture de ce titre. Tout en appelant à sa préservation, la porte-parole de l’UE considère dans une déclaration rendue publique le 07 avril que « la disparition annoncée de ce journal risque de limiter davantage la liberté d’expression en Algérie ». Un message adressé au régime algérien, accusé implicitement d’être derrière la fermeture de « Liberté » « L’Union européenne rappelle, comme convenu conjointement dans les Priorités de partenariat UE-Algérie, l’importance d’une presse pluraliste pour consolider l’État de droit et les libertés fondamentales comme la liberté d’expression », lit-on dans la déclaration de la porte-parole de l’UE.

L’annonce brutale de la fermeture de ce quotidien « qui offre un espace ouvert au débat contradictoire et aux opinions diverses » et connu pour sa ligne critique vis-à-vis du pouvoir algérien conforte la thèse selon laquelle les décideurs algériens ont exercé une pression sur l’actionnaire majoritaire. Il est utile de rappeler ici que l’un des journalistes de « Liberté », Mohamed Mouloudj, a été placé sous mandat de dépôt, en septembre 2021. Il a été écroué pour « atteinte à l’unité nationale », « appartenance à une organisation terroriste » et « diffusion de fausses informations ».

Avant lui, Rabah Karèche, correspondant du même journal à Tamanrasset (sud algérien), a été condamné en 2021 à un an de prison dont six mois ferme pour « diffusion volontaire de fausses informations susceptibles d’attenter à l’ordre public ». Il a été libéré en octobre dernier après avoir purgé sa peine. Ce journaliste kabyle a été inculpé pour avoir publié dans son journal (Liberté) et sur sa page Facebook un article sur un mouvement de protestation des Touaregs, une minorité berbère de Tamanrasset. « Je suis victime d’une injustice grave. Je n’ai fait qu’exercer mon métier de journaliste avec professionnalisme », a déclaré Rabah Karèche à sa sortie de prison.

Un troisième journaliste de « Liberté » est toujours sous contrôle judiciaire après la diffusion d’un entretien avec le PDG de la Sonatrach. L’entreprise algérienne des hydrocarbures a déposé plainte contre le journal, en février dernier. Elle reproche à son journaliste d’avoir « manipulé et déformé » les propos de son PDG. Pour rappel, Issad Rebrab a été lui-même condamné en janvier 2020 à dix-huit mois de prison, dont six mois ferme pour des infractions fiscales, bancaires et douanières. Quelques mois après sa sortie de prison, il a été reçu par l’ancien ministre algérien de la Communication, Amar Belhimmer. « Liberté », qui publie les desseins du célèbre caricaturiste Ali Dilem, est l’un des rares, si ce n’est le seul quotidien algérien, à avoir accordé des entretiens à plusieurs opposants.

Arezki Massi

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