Ferhat Mehenni sur Canal 22: « Le seul terroriste en Algérie, c’est le pouvoir lui-même »

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Ferhat Mehenni, canal22
Ferhat Mehenni, canal22

FRANCE (TAMURT) – Présenté comme un invité ‘’surprise’’, le président du MAK-GPK, Ferhat Mehenni, a été reçu, à la veille de la fête musulmane d’Aïd El Adha, par le journaliste Ghani Mahdi dans son émission phare ‘’Bikoul Houria’’ (En toute liberté), diffusée sur Canal 22. Imperturbable, le leader indépendantiste a répondu sans détour aux questions de l’ancien animateur de l’émission satirique ‘’Wech Galou Fel Jornane’’. Il a livré ses quatre vérités notamment sur la Kabylie, son droit légitime à l’autodétermination, le régime algérien et la solidarité sélective des Algériens, qui s’est révélée au grand jour durant les évènements tragiques du printemps noir 2001, où ils se sont complètement désolidarisés du peuple kabyle.

Tout en la qualifiant d’« une blague du régime algérien », Ferhat Mehenni considère la classification du MAK sur le liste des « organisations terroristes’ » le 18 mai 2021, comme une « une opération politicienne » mise en œuvre par les militaires pour faire basculer vainement les indépendantistes kabyles dans la violence. Le régime militaire croyait « particulièrement qu’à force de nous traiter de tels (terroristes) nous allons paniquer et prendre des armes et le maquis pour le combattre. C’est-à-dire, nous amener sur (son) propre terrain, celui de la violence (…) que nous récusons et que nous dénonçons de toutes nos forces », a-t-il répondu lorsque le journaliste de Canal 22 l’a interrogé sur ce sujet. Il précisera d’emblée que « le seul terroriste en Algérie c’est le pouvoir lui-même, qui « terrorise la population ». Par conséquent, souligne le leader indépendantiste, « le pouvoir algérien est très mal placé pour classer des organisations ou des personnes en tant que terroristes ». En ce qui concerne le MAK et les militants indépendantistes, Ferhat Mehenni affirme que leur pacifisme et connu de tous. «Tout le monde nous connait. S’il y a le moindre indice qu’il puisse avancer ou faire accroire un début de preuve comme quoi nous sommes violents, qu’il le montre », a-t-il mis au défi. Néanmoins, le président de l’Anavad dit avoir « (…) écrit à l’ONU pour demander une enquête internationale pour déterminer qui des militaires ou du MAK est terroriste ».

Le régime algérien « prisonnier » de Poutine

Sur le plan international, le premier responsable du MAK estime que l’Algérie a perdu toute crédibilité et est devenue un instrument entre les mains du Kremlin. « Le régime algérien a perdu toute crédibilité à l’échelle internationale. Je dirai même, aujourd’hui, qu’il est l’otage et le prisonnier de Poutine. L’Algérie n’a aucune marge de manœuvre pour décider de son sort et de la politique à suivre sur le plan géostratégique et géopolitique. Elle est isolée, même au sein de la ligue arabe (…), aucune crédibilité au sein de l’establishment international», croit Ferhat Mehenni, pour qui le président algérien Abdelmadjid Tebboune n’est qu’«une marionnette » et « un otage » de la junte militaire. Interrogé sur sa position quant à l’invasion de la Russie en Ukraine, le chef indépendantiste s’est prononcé contre cette agression militaire et pour le droit des peuples à l’autodétermination. « Une régression de l’humanité que d’assister en 21eme siècle à ce genre d’opération », a-t-il déploré.

« Les sahraouis sont plus des otages que des réfugiés à Tindouf »

S’exprimant sur la lutte des peuples pour leur liberté, Ferhat Mehenni a affirmé qu’il est pour « le principe du droit à l’autodétermination et le principe aussi d’un consensus international ». Sur le conflit opposant le Maroc au Polisario, une organisation militaire soutenue par l’Algérie, le président du MAK a expliqué que « les dernières résolutions de l’ONU et les derniers positionnements internationaux font que la solution royale pour la question du Sahara est celle de l’autonomie, qui est attestée comme étant crédible par de nombreuses puissances », tout en souhaitant « que la raison puisse prévaloir et qu’il y ait justement entente entre la partie saharienne et le Maroc pour résoudre ce problème ». S’étant déjà rendu à Tindouf, Ferhat Mehenni estime que les sahraouis sont malgré eux pris en otage et présentés à la communauté internationale comme des réfugiés. « Moi, je sais qu’à Tindouf les sahraouis sont plus des otages de l’Algérie et du Polisario que des réfugiés. Si on laisse la possibilité aux sahraouis de sortir des camps, ils rallieraient tous Laâyoune. Une enquête internationale devrait être menée par l’ONU. J’étais déjà à Tindouf dans les années 90 et des tindoufis m’avaient appris qu’en 1975, quand on avait décrété que le Sahara allait être indépendant et que l’Algérie avait créé le Polisario, (…) ils avaient joué le jeu avec l’armée algérienne pour se faire passer eux-mêmes pour des sahraouis », a-t-il raconté. Sur les rumeurs véhiculées par les médias inféodés à la junte militaires sur le financement du MAK par la Makhzen, le leader indépendantiste a récusé cette accusation en répondant qu’il « préfère en rire ».

Le combat pour l’indépendance dicté par un réexamen de l’histoire de la Kabylie

Pour Ferhat Mehenni, son choix fait pour l’indépendance de la Kabylie n’est pas mu par des considérations personnelles et émotives. Mais, cela a été dicté par un réexamen objectif de l’histoire du peuple kabyle. « Ce n’est pas une histoire émotionnelle qui m’a amené personnellement à demander une autonomie, puis une autodétermination et une indépendance (pour la Kabylie). C’est le réexamen de notre passé et de notre histoire (…) et l’expérience acquise à travers les voyages que j’ai fait aussi bien en France, en Espagne, au Canada, en Belgique, en Allemagne et en Suisse… », a-t-il expliqué, tout en précisant qu’il a compulsé nombre de livres sur ce qu’on appelle les autonomies ethniques en Chine et ailleurs dans le monde avant qu’il revendique la solution radicale pour la Kabylie, à savoir le recouvrement de sa souveraineté. « Après avoir fait le tour du monde et le tour de la question, j’ai trouvé qu’il n’y a pas de peuple autonome qui ne revendique pas son indépendance », a-t-il soutenu. C’est à partir de 2001 que le peuple kabyle a pris conscience de la nécessité pour sa survie de s’émanciper de l’Algérie, qui n’a finalement que remplacer l’ancien colonisateur français. « C’est à partir de 2001, au printemps noir, quand on a tiré sur nos enfants, que j’ai compris que pour la Kabylie, l’Algérie française ou l’Algérie indépendante, c’était l’Algérie coloniale contre elle. A partir de cela, j’ai pris sur moi malgré tous les quolibets, toutes les insultes et tous les dénigrements que j’allais recevoir, j’ai assumé devant Dieu, devant les hommes et devant l’histoire le projet d’un destin particulier pour le peuple kabyle », a-t-il déclaré sur le plateau de Canal 22. Ferhat Mehenni a rappelé à l’animateur de l’émission ‘’Bikoul Houria’’ qu’en 2001, pas moins de 130 jeunes kabyles ont été assassinés et 6000 autres blessés par les gendarmes et les policiers algériens, mais « il n’y a pas un seul algérien qui était descendu dans la rue » pour manifester. Cependant, quelques jours plus tard, « au moment où les kabyles pleuraient leurs enfants, un jeune palestinien était tué en Palestine, et toute l’Algérie était descendue dans la rue », a déploré Ferhat la solidarité sélective des algériens.

Monopole politique en Kabylie : seul un référendum tranchera

Appelé à répondre aux kabyles d’autres sensibilités politiques, qui lui conteste le « monopole de la kabylité », le leader indépendantiste répond que seules les urnes sont à même de trancher sur le destin que le peuple kabyle veut choisir. « Je ne reconnais d’autorité sur aucun kabyle qui ne se reconnait pas dans l’autorité du GPK et du MAK. Je suis un démocrate et cette question de la kabylité sera tranchée, j’espère, un jour, par un référendum d’autodétermination où chacun aura à avancer ses arguments et à exprimer son aspiration par un vote dans les urnes », a-t-il répliqué.

Lyes B.

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