Le peuple kabyle a vécu des années de disette en matière de chants et de musiques transcendants.
Ce patrimoine culturel essentiel de l’existence d’un peuple a été altéré par des pantins dressés et animés pour émousser la verve de ses vrais promoteurs et faire dégénérer la chanson kabyle.
À cause du travail de sape de certains médias complaisants et autres éditeurs de pacotille qui ont élevé aux nues des chansonniers d’opérette, la chanson kabyle s’est vautrée dans une indigence indicible. En plus de l’appauvrissement sémantique et de déperdition linguistique, on a vu des chanteurs adulés par leur public naturel qui ont tourné le dos à la Kabylie pour se fourvoyer dans un soutien béat et indécent aux puissants du moment.
Car, il faut le répéter, la chanson kabyle moderne s’est donnée dès le début de son émergence dans les années 70 comme raison sociale le combat pour la réappropriation de la véritable identité du peuple.
Izenzaren, le groupe d’antan vient rappeler aux oublieux et aux amnésiques que la chanson kabyle tient d’un patrimoine culturel chevillé aux âmes qui ne peut permettre la fatuité et la désinvolture.
Ce groupe musical qui a décidé de renouer avec son art s’inscrit dans cet esprit ancestral et ranime les flammes de la raison sociale, retrouvée et renouvelée à travers les aèdes et les trouvères de jadis.
Il était temps ! Avec le retour de Izenzaren, on peut s’offrir une cure de jouvence en se procurant leur album, mais malheureusement, on n’assistera pas encore à la fin des troubadours qui hantent les écrans des télévisions et les espaces audiovisuels de notre environnement.
Dans sa dernière livraison, le groupe nous rappelle subtilement que la Kabylie doit vivre, produire et restituer les valeurs qui sont les siennes depuis la nuit des temps en même temps qu’elle doit s’immiscer dans les affaires d’aujourd’hui qui déterminent l’avenir immédiat de ses enfants.
Sa dernière production renferme 10 titres (Mandats 2009 – Ay adar – Asefru – l’école – Tayri uzekka – Lzayer – Tiessasin – Tavratt – Tasusmi – D lawan) qui sont autant d’œuvres composées avec circonspection et amour du travail bien fait.
Les éléments du groupe n’affichent aucune prétention pécuniaire des fruits de leur travail. Ils se disent avant tout des militants et des acteurs de leur temps et de leur peuple.
Cette profession de foi assumée et partagée par les éléments de ce groupe artistique qui fait de lui l’un des rares, sinon le seul à notre connaissance, à œuvrer de façon ouvertement désintéressée dans un domaine depuis si longtemps pollué par de faux prophètes, rapaces, marchands et autres rhéteurs inaudibles, est tout à fait crédible quand on connaît les trajectoire personnelles des membres qui le composent.
Le groupe se compose de trois membres. Il y a Mourad Ali Mamar, le parolier ; Fawzi Ould Muhend et Rachid Ali Mamar pour la musique, les arrangements et le mixage et Saïd Kaïdi pour la percussion. Sans le dire, ils suggèrent que c’est l’indigence thématique et le travestissement de la chanson kabyle ambiante qui les ont amenés à reprendre du service afin de contribuer à son renouveau.
À les entendre dans cet album de renaissance où ils renouent avec bonheur avec les thèmes de l’identité, de la vie sociale, du combat de la femme et de la Kabylie, il n’est pas permis d’en douter.
Tanemmirt ay Izenzaren ! Puissiez-vous être et demeurer longtemps des rayons de soleil pour réchauffer nos cœurs rabougris et rendre à la chanson kabyle sa vocation, sa dimension et sa fonction sociale.